👄 Broder le jumeau sauvage: Un conte & un rituel


Je vous raconte ici ma version du conte scandinave
Courting the wild twin.


J’ai dĂ©couvert ce conte dans l’anglais rocailleux du Dr Martin Shaw, un storyteller du Devon en Angleterre.
C’était au printemps 2020, alors que notre monde s’ombrageait d’une force nouvelle, mystĂ©rieuse, inquiĂ©tante. Une force sauvage.

DĂšs la premiĂšre Ă©coute, j’ai senti que ce conte ancien arrivait Ă  point ‘maintenant’. Il offrait plusieurs chemins pour rĂ©flĂ©chir le prĂ©sent. Au carrefour de ces chemins se tenait un rappel: chacun de nous est nĂ© avec un jumeau, ou une jumelle. A twin. Mais, ce twin, parce qu’il ne correspond pas aux critĂšres acceptables (de la famille, de l’école, de la societé ) - trop intense, trop sensible
 trop different - ce twin se fait mettre Ă  la porte. ExilĂ©. Bye-Bye.
Et on en parle plus, si possible!

Alors on grandit sans son jumeau.
On grandit bien. On grandit sage. Propre, entouré. Chemises blanches.
Pendant ce temps, notre jumeau grandit seul. Mode instinct. Mode survie. Chemise rouges, terre et sang. De plus en plus cru, le jumeau. De plus en plus sauvage
et Ă©videmment, de plus en plus hostile.  Parce que “ce qu’on exile devient hostile”. À cause du manque .

Et puis, dans ce conte comme dans la vie, arrive ce fameux Jour : le jour oĂč le jumeau dĂ©cide de revenir Ă  la maison, parce que maintenant ça suffit ! Il EXGIGE sa place et ses droits. Il veut ĂȘtre vu et entendu et reconnu comme membre entier et lĂ©gitime de la famille. Il veut ĂȘtre AIMÉ, tel qu’il est, maintenant! Et il est furieux. Il veut tout dĂ©truire. Comme il a du se construire seul, il est devenu tellement fort qu’effectivement, il pourrait bien tout dĂ©truire!

C’est lĂ  que le conte nous donne une clĂ©: un acte magique pour charmer le jumeau.
Un soin par la BeautĂ© pour rĂ©parer l’Humain.
Une priĂšre fidĂšle pour rĂ©unir ses forces, blanche et rouge. Sage et sauvage. 
Un acte pour se re-trouver, complet

Si ton jumeau sauvage hurle pour revenir maintenant, ce conte est pour toi. 
DĂ©couvre l’acte magique, parmi d’autres secrets pour Ă©duquer ton coeur.
Rappelle Ă  toi tes membres. Re-membre toi .
Remember. 
Rappelle toi qui tu es.
Au complet. Dans toute ta puissance et ta souveraineté.

Écoute 


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La jumelle sauvage



 et pour cheminer avec le conte
voici ci-dessous quelques questions que j’offre aux auditeurs aprĂšs l’écoute.
Des questions vers lesquelles on peut revenir encore et encore 



CHARMER LE JUMEAU SAUVAGE
Transcription du conte
d’aprùs la version anglaise du Dr Martin Shaw

Il Ă©tait une fois, au coeur d’un royaume, une reine et un roi. 
C’étaient des bonnes personnes, des gens gĂ©nĂ©reux. 
Ils s’aimaient, ils aimaient leur royaume. 

Mais la nuit, quand ils se couchaient, il y avait cette ombre qui planait entre eux. Comme un chagrin silencieux.
Ce chagrin Ă©tait trĂšs simple: la reine ne parvenait pas Ă  avoir d'enfant. 
Depuis longtemps, ils essayaient et rien n’avait fonctionnĂ©.

Un matin, la reine comme Ă  son habitude se promĂšne dans les jardins du chĂąteau.
Mais ce jour là, répondant à une étrange impulsion, elle décide de quitter les pelouses bien taillées du chùteau.
De passer le portail au nord, derriĂšre les jardins
et de s’aventurer en la direction de vieille forĂȘt profonde


À peine elle en passe le seuil de la foret, que du tronc d’un grand chĂȘne apparait 
une veille femme.
La veille femme s’adresse Ă  la jeune reine. Elle lui dit : « je vois ton chagrin . 
Je vois bien que, mĂȘme si tu occupes tes journĂ©es Ă  donner autour de toi, ta gentillesse, ton temps
Il y a cet Ă©norme abime dans ton coeur. Je vois ton dĂ©sir silencieux d’ĂȘtre mĂšre. 

Et je vais t’aider. 

Tout d’abord, il faut que tu comprennes: 
si tu n’exprimes pas ton dĂ©sir, si tu n’offres Ă  ton dĂ©sir un Ă©crin de langage, alors simplement il n’existe pas.

Donc, voila ce que tu vas faire.
Ce soir, de retour au chĂąteau, prend avec toi une petite tasse et pars te promener dans les jardins du nord.
Marche sans t’arrĂȘter jusqu’à ce que la nuit tombe.
Et Ă  chaque pas de ta marche, envois ton dĂ©sir partout autour de toi. 
Exprime exprime exprime. Dis Ă  voix haute et claire tout ce que ton coeur souhaite.
À la nuit, dĂ©verse toutes ces paroles, souffle tout ton dĂ©sir dans la petite tasse.
Puis retourne la tasse sur le sol, reverse-la directement sur la terre.
Et pars te coucher. 

Demain matin, reviens jusqu’à la tasse et puis retourne-la.
Tu verras. 
Sous la coupe, deux fleurs auront poussĂ©. Une fleur blanche. Et une fleur rouge. 
Tu vas manger la blanche, tu m’as bien compris. La blanche. Surtout pas la rouge! 
Fais comme je te dis, et ton désir se réalisera.

Et sur ces mots, la vielle femme re-disparait dans son tronc, aussi mystĂ©rieusement qu’elle en est apparue.


Le soir, la reine fait exactement comme la vieille femme lui a dit.
Une petite tasse Ă  la main, elle marche dans les jardins du nord.
Et pendant qu’elle marche, elle exprime tout son dĂ©sir Ă  voix haute.
Elle dit, elle dit, elle dit. Tout ce qu’elle n’a encore jamais osĂ© dire. 
À la nuit tombĂ©e, elle rassemble toutes ses paroles, tout son dĂ©sir, et les souffle dans la petite tasse, 

Et hop, 
elle retourne la tasse sur le sol du jardin. 
Et elle part se coucher.

Le lendemain matin, elle court vers le jardin.
En effet, quand elle retourne la tasse, elle découvre la fleur blanche et la fleur rouge qui ont poussé.
Et lĂ , malgrĂ© les directives pourtant trĂšs claires de la vieille femme, au moment ou sa main va pour cueillir la fleur blanche, la jeune reine ne peut s'empĂȘcher d’attraper la fleur rouge, 
et de l’avaler, d’un coup!

InstantanĂ©ment, la reine sent quelque chose d’évident qui se produit en elle.
Comme une Ă©tincelle aux creux de ses hanches
Elle sait . 
Elle sait qu'elle est enceinte. 

En effet, les mois passent, et son ventre s’arrondi

Et voila, maintenant on est rendu au neuviĂšme mois. 
Le bĂ©bĂ© est prĂȘt Ă  naitre.
C’est le soir, dans la plus petite tour du chñteau
Les femmes se sont rassemblĂ©es autour de la reine pour chanter les 1000 secrets du passage 
Et alors que la vieille doula accompagne la reine à pousser son bébé dans ce monde,
elle voit sortir d’entre ses jambes, non pas un enfant, mais 
.un petit serpent noir. Un genre de ver noir. 
Et son premier rĂ©flexe devant cette petite chose visqueuse et bizarre, c’est de l’attraper et de le jeter par la fenĂȘtre. 

Quelques secondes plus tard, nait un beau petit garçon. 
À partir de ce moment, ni la doula ni les femmes prĂ©sentes, ni personne ne dit mot du serpent.
Comme s’il n’avait jamais existĂ© . AmnĂ©sie gĂ©nĂ©rale . 
Pourtant
au fond du fond, la doula se souvient bien de ce petit serpent qu’elle jetĂ© dehors, l’envoyant en exil


Mais pourquoi se questionner alors que l’autre garçon grandit parfaitement.
Il fait la joie de ses parents. Il fait la joie de tout le royaume. 
Un beau jeune prince heureux et cùliné.

Tout se passe paisiblement jusqu’à ses dix sept ans. L’ñge oĂč il dĂ©cide d’aller se marier.
Ce jour lĂ , il grimpe sur le superbe cheval blanc offert par ses parents 
Et quitte le chĂąteau pour aller trouver celle qui sera sa femme.
En traversant la forĂȘt, il arrive Ă  un carrefour.
LĂ , devant lui, se dresse un GI-GAN-TESQUE serpent noir qui fulmine de rage.
Et le serpent répÚte en boucle cette phase énigmatique aux oreilles du prince :
« Les frĂšres ainĂ©s se marient en premier». 

Le jeune prince dĂ©tourne son cheval et prend une autre voie. 
Mais ce jour lĂ , Ă  chaque carrefour auquel il arrive, le serpent se tient lĂ  et rĂąle sa mĂȘme phrase:
«Les frÚres ainés se marient en premier».

Evidemment, le jeune prince fini par rentrer au chĂąteau pour aller trouver sa mĂšre et son pĂšre
et leur demander "Y a-t-il quelque chose que vous ne m'avez pas dit sur ma naissance? " 
La reine et le roi rĂ©pondent que « non Â» ( mĂȘme si Ă  ce moment lĂ , la reine se mord la langue pour ne pas parler de la fleur rouge qu’elle n’aurait du croquer) 
Finalement tous les trois decident d’aller trouver la veille doula. Peut-ĂȘtre qu’elle se souviendra de quelque chose?
Devant leur affolement, la doula finit par avouer que « oui, en effet, ce soir lĂ , il s’est passĂ© cette chose Ă©trange, ce petit serpent noir. Mais comme cette chose n’avait rien Ă  faire lĂ , Ă©videmment qu’elle a lancĂ© par la fenĂȘtre. Et puis de toute façon le jeune prince est nĂ©, alors tout Ă©tait parfait, non?» 

Et bien non. Aujourd’hui, cette petite crĂ©ature rejetĂ©e a grandi en force. Le serpent rĂ©clame ses droits, son titre de prince et en tant qu’ainĂ©, il veut se marier. 


Là, il se passe un moment incroyable dans l’histoire.
La reine et le roi disent: «Mais oui, c’est notre fils. C’est le prince. Bien sĂ»r que nous allons l’accueillir au chĂąteau. 
Et nous lui ferons sa chambre. Il est grand temps qu’il reviennent chez lui Â». 
Alors, pour charmer le serpent et le ramener vers le chĂąteau,
le roi et la reine envoient les plus doués de leurs musiciens, de leurs poÚtes, de leurs danseurs 

Et le serpent, aprĂšs ses longues annĂ©es d’exil revient dans le chĂąteau de sa naissance.
ImmĂ©diatement, ses parents, font savoir dans tout le royaume qu’il y a un prince Ă  la recherche d'une Ă©pouse. 
Pas de mention de la « forme Â» du prince. 
Evidemment, nombreuses femmes rĂ©pondent Ă  l’appel.
Mais aucune ne traverse vivante sa nuit de noce. Chacune se fait dévorer.
Tous les matins, alors que le roi et la reine vont rejoindre leur fils 
Ils se dĂ©solent de ne trouver au sol, qu’un tas dos 
 et un serpent toujours aussi furieux .

AprĂšs un certain temps, le chĂąteau a acquis une rĂ©putation. 
On l'appelle «  l'endroit oĂč vous entrez et d’oĂč vous ne revenez pas Â».
Et les futures potentielles princesses ne se pressent plus Ă  la porte.
Alors quelle surprise pour le roi et la reine quand une lettre leur parvient:
Au frontiĂšre du royaume, une jeune femme leur rĂ©pond qu’elle est prĂȘte Ă  Ă©pouser le prince. 
Mais dans sa lettre, la jeune femme précise ceci : elle veut un an et un jour pour se préparer.
La reine et le roi s’empressent de lui rĂ©pondre «Bien sĂ»r. Evidemment. Tout ce que vous voulez.» 


Maintenant, vous devriez savoir que cette jeune femme est la fille d'un berger .
Elle a grandi dans les collines et les bois.
Et ce jour lĂ , aprĂšs avoir rĂ©pondu oui Ă  ce mariage avec le serpent, elle marche la foret en se questionnant Ă  voix haute. 
«J’épouse un serpent. Qu’est ce qui m’a pris de dire oui Ă  ça ?! Qu’est ce que je dois faire maintenant?  Â»
Elle s’assoit sur les racines d'un vieux chĂȘne, quand, du tronc sort la vieille femme qui lui dit

«Voilà ce que tu vas faire.

D’abord tu vas Ă©duquer votre cƓur.
Pour cela, tu vas prĂ©parer douze chemises de mariage - comme des chemises de nuit, mais pour tes noces 
Sur chacune d’elles, tu vas broder de trĂšs beaux dessins, juste autour de la rĂ©gion de ton cƓur. 
Passe un vrai temps sur ces douze robes. N’en presse pas l’ouvrage et n’en parle à personne.
Tous les jour, fidĂšlement, reviens Ă  ta tache. Tous les jours, Ă©duque ton coeur. 
Ensuite, le soir de ton mariage, tu vas porter toutes ces robes, l’une par dessus de l’autre.
En plus, ce soir lĂ , emporte dans ta chambre nuptiale deux grands bains.
Un bain rempli d’eau et de cendres et un autre rempli de lait.
Et puis deux brosses Ă  rĂ©curer en mĂ©tal. 
Tu sauras quoi faire ensuite.

VoilĂ  les conseils que je donne. 

Sur ces mots, la vieille femme redisparait dans l'arbre

Une annĂ©e et un jour passent. 
La jeune femme arrive au chĂąteau, couverte de ses 12 robes. 
Elle Ă©pouse le serpent. 
Alors mĂȘme que le serpent enroule sa queue autour d'elle, sans aucune panique, elle le regarde et dit:
“Oui, c’est bien mon mari” .

Ils rentrent dans la chambre nuptiale.  
Le serpent dit: «EnlĂšve ta robe.» 
Et la jeune fille rĂ©pond. “D’accord. J’enlĂšve une de mes robes, si tu enlĂšves une de tes rangĂ©es d’écailles».
Le serpent stupĂ©fait se dit "Personne ne m'a jamais demandĂ© de faire ça avant. Personne ne m'a jamais parlĂ© comme ça Â» 
Alors il le fait. Et c’est douloureux ! Il cri beaucoup. Il a mal
 mais il le fait. Il enlĂšve une rangĂ©e de ses Ă©cailles. 
Lorsque c’est fait, il dit Ă  la jeune fille «Maintenant, enlĂšve ta robe!.»
Et la jeune fille rĂ©pond Ă  nouveau. « Bien sĂ»r. Je le ferai si tu enlĂšves une de tes couches d’écailles».
Vous pouvez imaginer sa fureur.
Heure aprĂšs heure, couche aprĂšs couche aprĂšs couche, robe aprĂšs robe, le serpent ĂŽte ses Ă©cailles


jusqu'Ă  ce que finalement, sous cet amas d’écailles, se dĂ©couvre un petit serpent. Un petit ver noir.
Pas un beau jeune homme.

C’est alors que la jeune femme sort les deux brosses Ă  rĂ©curer. 
Elle place le petit serpent dans le bain de cendres et d’eau, et frotte sa chair .
Et s’il avait mal avant, maintenant c’est encore pire. Il hurle!
Mais elle continue.
Une autre heure, elle frotte cet ĂȘtre. Jusqu'Ă  ce qu'en dessous apparaisse 
 un homme 
Un homme d'une beautĂ© ordinaire. 
Un homme avec le visage de quelqu’un qui revient de l’exil. 
C’est alors qu'elle le porte jusqu’au bain de lait. 
Et peu Ă  peu, doucement, elle le lave, elle le berce dans ce lait maternel.

Et le matin, quand le roi et la reine se prĂ©sentent, et s’attendent Ă  voir la mĂȘme terrible scĂšne
Il sont surpris et Ă©mus jusqu’aux larmes en dĂ©couvrant un jeune homme et une jeune femme, enlacĂ©s, paisibles, radieux.

À partir de ce moment, le plus jeune frĂšre, lui aussi a rapidement trouvĂ© son Ă©pouse.
Peu à peu, les gens du royaume ont recommencé à avoir confiance dans leur chùteau

Ce chĂąteau, ce royaume existent Ă  l'intĂ©rieur de chacun d’entre nous .
À l'intĂ©rieur de chacun d’entre nous , 
il y a une femme qui apprend Ă  Ă©duquer son coeur
et un homme qui apprend Ă  enlever ses Ă©cailles.

Et voila l’histoire.

OĂč vous trouvez-vous dans cette histoire aujourd’hui? 
Quel moment, quelle image, quel personnage a capté votre coeur ?
Et qu’allez-vous en faire?

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